Depuis près de dix ans, une association de passionnés met un coup de projecteur sur un métier resté longtemps dans l'ombre et aujourd'hui disparu : ambulants postaux ferroviaires. Découverte d'un patrimoine insolite à bord des derniers wagons-poste stationnés à Oignies.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Chaque 2e dimanche de chaque mois, Elie Ramon ouvre les portes de ses wagons-poste pour nous parler d'un métier oublié: postiers sur rail.
C'est un voyage unique en son genre que propose l'association pour la conservation des ambulants postaux ferroviaires (ACAPF), installée à Oignies depuis près de dix ans. Une immersion dans une profession méconnue du public et aujourd'hui disparue : postier sur rail. Pour Élie Ramon, l'explication est simple : « C'était un travail de nuit et les agents n'étaient pas en contact avec les usagers ».
Et le Cévenol d'origine et Nordiste d'adoption est bien placé pour le savoir. Durant 33 ans, il a trié le courrier à bord des wagons-poste reliant Paris à Lille. « On commençait à l'arrêt et on continuait une fois le train en marche. Bien sûr, il fallait avoir terminé une fois en gare d'arrivée » . Une véritable épreuve d'endurance... et de rapidité. « On pouvait traiter jusqu'à 800 lettres au quart d'heure, sourit le retraité tout en faisant une courte mais surprenante démonstration de cette mécanique bien rodée. En plus, il fallait connaître par coeur le découpage des arrondissements de la capitale, rues par rues ».
À la mémoire d'un métier disparu
Dès qu'il s'agit de parler de son métier, Élie, tout comme les autres membres de son association, sont intarissables. Alors, pour continuer de le faire vivre, ils organisent régulièrement des visites de six des neuf wagons-poste dont ils sont propriétaires. Dans l'un d'eux sont exposées d'impressionnantes collections de tenues de facteurs et de sacs postaux des quatre coins du globe. Parmi ces derniers, l'un vient du Vatican. « Une pièce rare », souligne Élie tout en révélant que les sous-sols du Saint-Siège abritent d'ailleurs le plus grand bureau de poste du monde.
Mais ce n'est pas tout. Une série de calendriers datant de 1864 à 2009 habillent également les parois. L'oeil affûté peut y découvrir quelques détails chocs. À l'instar des croix gammées entourant l'édition de 1934, soit un an après la prise de pouvoir d'Hitler en Allemagne.
Mais le trésor dont Élie est le plus fier, c'est la collection, unique en Europe, de près de 500 wagons-poste en modèle réduit de tous pays et de toutes époques. Elle permet de mieux comprendre l'évolution de la profession. « Les services ferroviaires postaux ont été mis en place en France en 1845.
Sauf qu'à l'époque, les wagons étaient en bois et le train n'était pas aussi sûr qu'aujourd'hui. Jusque 1930, les déraillements ont fait 40 morts et 1 800 blessés ».
En plein essor à la veille de la seconde guerre mondiale avec près de 4 000 agents, l'ambulant est peu à peu concurrencé par le réseau postal aérien dans les années 50 avant d'être mis à mort par l'automatisation. « Le dernier trajet s'est déroulé le 22 novembre 1995 sur l'artère Paris-Rennes » , conclut Élie, le regard dans le vague. Heureusement, grâce à l'investissement de passionnés comme lui, la mémoire des ambulants ferroviaires n'est pas prête de tomber dans l'oubli.w