Une poignée de villages hennuyers s'opposent à la fermeture de leur bureau de poste. Leur arme : tous les commerçants refusent d'ouvrir un Point Poste, la solution avancée par La Poste. Mais leur stratégie ne paie pas.
Leernes (Fontaine-l'Evêque), Gozée (Thuin), Luingne (Mouscron), Souvret (Courcelles)à Ils sont entrés en résistance. Quitte à casquer : depuis quelques semaines, voire plusieurs mois, ces quatre villages du Hainaut pleurent la perte de leur bureau postal. Inconsolables, ils rejettent l'idée de trouver quelque réconfort auprès d'un Point Poste, qui s'installerait dans un magasin tout proche.
Au contraire : pour se venger de La Poste, les commerçants s'obstinent à ne pas reprendre le flambeau. Ils restent sourds aux appels du pied de l'entreprise publique autonome. Pas question d'abriter dans leur commerce un Point Poste, en guise de pis-aller. En s'unissant, les réfractaires espéraient contrarier la nouvelle logique de La Poste. Raté : l'entreprise a tout au plus accepté de surseoir à l'issue fatale.
Mais le couperet est tombé, sans faire de quartiers. C'est le cas à Gozée, privé de bureau de poste depuis un an et toujours sans solution de rechange dans les proches environs. « Un seul bureau reste ouvert pour les 15 000 habitants de Thuin. Il est situé à l'endroit le plus inaccessible », s'indigne son bourgmestre, Paul Furlant (PS). Même spectacle de désolation à Leernes, où le bureau de poste a fermé ses portes le 15 décembre, sans Point Poste à l'horizon.
« Comment puis-je sanctionner La Poste ? »
Un illustre représentant du village, le député Ecolo Jean-Marc Nollet, s'est offusqué au Parlement de ce reniement, selon lui, des engagements pris par La Poste. La ministre de tutelle de l'époque, Inge Vervotte (CD&V), avait pourtant confirmé ces belles promesses. Tête basse devant le document agité sous ses yeux par l'élu vert, elle a avoué son impuissance : « Comment puis-je sanctionner La Poste ? »
Pas simple, en effet. La Poste refuse de céder. Le contrat de gestion qu'elle a conclu avec l'Etat lui en donne le droit, juridiquement. « Nous nous sommes engagés à tout mettre en £uvre pour ouvrir un Point Poste avant toute fermeture d'un bureau. Mais nous n'avons aucune obligation contractuelle de l'ouvrir. Que faire, quand on se heurte à une mauvaise volonté organisée ? » réagit La Poste.
Cette nuance subtile a échappé aux clients et aux commerçants frondeurs, qui se sont bercés de douces illusions. « Nous avions cru que notre bureau de poste ne fermerait pas tant qu'il n'y aurait pas de Point Poste. La dizaine de commerçants du village se sont donc mis d'accord pour refuser l'offre de La Poste », admet Bernard Chaufoureaux, libraire et voisin du défunt bureau postal de Leernes. Le bras de fer a parfois été tendu : ainsi, à Gozée, le partenaire Point Poste sélectionné s'est désisté à la dernière minute, sans doute sous la pression locale.
La Poste n'est pas loin de déceler certains calculs politiques derrière ces actions d'obstruction. Elle a jusqu'ici gagné toutes les batailles. Quant à la guerre... « Une opposition systématique, voire un éventuel boycott, mettrait La Poste dans l'impossibilité d'avancer dans la réorganisation de son réseau de vente, indispensable à sa survie financière » : l'avertissement cache à peine l'inquiétude de l'entreprise de voir ces poches de résistance faire tache d'huile et contrecarrer ses plans de réorganisation. Alors que l'heure de la libéralisation approche.
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